Octobre 2021
Contribution du SNGPCKDA
Le Syndicat National des Guides Professionnels Canoë-Kayak et Disciplines Associées (SNGP-CKDA) apporte les observations suivantes à l’enquête publique concernant l’aménagement hydroélectrique du seuil de l’Arve au niveau de Thyez et de Scionzier.
Un rappel
Nos pratiques sont douces, mues à la seule force humaine, elles ne prélèvent ni eau, ni animaux aquatiques ou végétaux de la rivière ou des berges.
La situation des cours d’eau français
Dans les cent cinquante dernières années le nombre de rivières et de fleuves barrées, détournées avec des régimes artificialisés n’ont cessé d’augmenter. A ce jour il ne reste pratiquement aucune rivière libre de tout aménagement, prélèvement ou autres nuisances sur tout le territoire national. En France métropolitaine, on dénombre environ 2 300 installations hydroélectriques, de tailles et de puissances très diverses, dont 433 sont exploitées par EDF.
Les cours d’eau en France ont été très fortement équipés en matière d’hydroélectricité (la France est le 2ème producteur en Europe après la Norvège). Aujourd’hui si les rivières et les fleuves supportent de lourds aménagements hydroélectriques ils portent aussi beaucoup d’autres charges (prélèvement pour l’irrigation, l’industrie et l’eau potable, accueil des eaux usées, de l’industrie chimique, des pesticides et autres engrais agricoles, …). En 2015, 62 % des cours d’eau français présentaient « un bon état chimique » et 45 % étaient en « bon état écologique ». L’Arve est touchée par des polluants d’origine industrielle (provenant notamment de l’industrie du décolletage) et domestique. Une amélioration a été obtenue par la création et la modernisation de stations d’épuration mais le taux d’azote et de certains métaux, notamment du nickel, reste trop élevé.
La transition écologique
9 objectifs sont inscrits dans le code de l’environnement :
1. Réduire les émissions de gaz à effet de serre
2. Réduire la consommation énergétique
3. Réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles
4. Augmenter la part des énergies renouvelables dans notre consommation énergétique
5. Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité
6. Réduire la mortalité due à la pollution atmosphérique
7. Disposer d’un parc immobilier aux normes BBC (bâtiment basse consommation) ou assimilées
8. Obtenir l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer
9. Augmenter la quantité de chaleur et de froid renouvelables et de récupération véhiculée par les réseaux Les microcentrales rentrent dans l’objectif 4. On peut observer que dans ces 9 mesures l’écologie n’est jamais citée. La transition écologique est de fait une « transition énergétique ».
La part de l’énergie hydraulique en France
Le parc hydroélectrique français produit environ 2% de toutes les énergies confondues. Sur ces 2% la part des 1700 microcentrales privées est de 0,2%. Un accroissement de 50% de ce parc, tel qu’il est malheureusement préconisé par les pouvoirs publics, représenterait 0,1% de notre approvisionnement énergétique !
Les autres énergies renouvelables, vent et solaire
Bien que la ressource en eau ait été régulièrement déclarée par tous les gouvernements comme un enjeu majeur et que l’amélioration de la qualité des eaux passe par la reconquête de la continuité écologique des rivières, il est tout à fait contradictoire que l’on développe la petite hydraulique qui ne peut qu’aggraver la santé des cours d’eau.
Cette décision n’a d’autant pas de sens puisque des programmes de développement des autres énergies renouvelables sont en cours. La part de l’énergie éolienne ne cesse de croitre, elle est déjà supérieure à la petite hydraulique. En Allemagne cette énergie est de plus de 20% alors que l’hydraulique ne vaut plus que 3,5%. A cette énergie du vent se rajoute les parcs photovoltaïques dont un grand nombre sont en construction.
Dans ces conditions pourquoi accroitre la petite hydraulique avec son cortège de nuisances écologiques et paysagères ?!
Des incitations financières
L’État dans le cadre d’une politique visant à mettre en œuvre la transition écologique encourage les énergies renouvelables en offrant un prix de rachat garantie du kilowatt heure. Ce prix fort de l’électricité crée un « effet d’aubaine » de court terme sans oublier que ce tarif n’intègre pas le coût écologique.
Le tourisme
Le tourisme en France est une priorité nationale et ce n’est pas pour rien que la France est la première destination au monde.
Depuis quelques années un nouveau tourisme « l’itinérance » qui se pratique à pied, à vélo ou au fil de l’eau fait l’objet d’un réel engouement. Ce déplacement est revenu à la mode dans le cadre d’une alternative au tourisme de masse accusé de nombreux maux. C’est ainsi qu’une partie des vacanciers s’en détourne à la recherche d’un tourisme plus authentique, souvent plus lent dans la lignée des voyageurs comme Stevenson (voyage avec un âne dans les Cévennes).
Ainsi de grands itinéraires pédestres ont retrouvé vie, les chemins de Compostelle en sont un bel exemple mais bien d’autres existent avec des itinéraires culturels, historiques et d’arts de toutes sortes. On trouve des itinéraires en vélos dans toute l’Europe.
Avant la révolution industrielle (apparition du transport ferroviaire et routier) les marchandises étaient principalement acheminées par les fleuves, les grandes rivières et les canaux car une embarcation avait des capacités de chargement bien supérieure au transport terrestre. On trouve à ce sujet une littérature abondante sur la batellerie.
Aujourd’hui il existe de la navigation en péniche sur les canaux de Bourgogne, de Briare, de la Saône au Rhin ou encore des canaux du nord (ils en existent bien d’autres).
Plus proche de nos pratiques le fleuve Loire est emblématique d’un renouveau de l’itinérance canoë (plus de 900km) et des navigateurs se lancent à la redécouverte des cours d’eau français. Malheureusement ils se heurtent à pas mal d’endroit aux grands ouvrages hydroélectriques. Le franchissement de ces ouvrages est si compliqué que c’est un frein majeur à l’itinérance.
L’Arve avec 55km en France et 25km en Suisse offre la possibilité de faire une belle descente itinérante sur plusieurs jours. Ce genre de voyage peut se marier avec des excursions à pied ou à vélo bref tout est à faire, à inventer sans oublier que les nouveaux vêtements adaptés à l’eau autorisent désormais la navigation dans de bonnes conditions de confort même en saison froide.
Il est difficile de prédire l’avenir mais nous ne voudrions pas que toutes ces possibilités de développement d’un tourisme de nature soient entravées, empêchées par des aménagements incompatibles avec ces nouvelles approches.
Notre position, un moratoire
Il nous semble qu’au regard des enjeux environnementaux actuels (voir bilan du GIEC) il est grand temps de faire une pause, un moratoire, un arrêt de tous les nouveaux projets dans les cours d’eau. Nous souhaitons qu’une vrai politique d’amélioration de la qualité de l’eau soit engagée en optimisant les équipements existants et en conduisant des actions contribuant à la continuité écologique et sédimentaire.
Notre proposition pour le seuil sur l’Arve
Dans le cadre de la transition écologique, il nous semble nécessaire que l’écologie prenne le pas sur la production d’électricité (dont la part finale dans le mix
énergétique restera anecdotique). La bonne santé d’un cours d’eau c’est la liberté d’écoulement des sédiments, la libre circulation de la vie aquatique et la restitution d’un lit naturel non chenalisé.
Si la commune de Thyez maintenait ce projet nous demandons qu’au regard des enjeux des loisirs nautiques soit installée une passe à bateaux (raft, canoë, kayak, paddle, …) en rive droite afin d’éloigner les navigateurs, nageurs et autres coureurs de rivières des dangers de la prise d’eau de l’ouvrage en rive gauche. La passe devra être suffisamment large pour le passage de rafts (il existe de nombreuses glissières en France et une littérature technique sur ce sujet existe). Il serait bienvenu de prévoir un chemin longeant cette passe notamment pour les nageurs en eau-vive.
Contribuer à un nouveau tourisme plus doux, moins consommateur d’énergie, nous semble être un bel objectif dans le cadre de la transition écologique de ce 21ème siècle. Un aménagement allant dans ce sens pourrait être mis en oeuvre sur ce site. Trop de cours d’eau ont été perdus et sont devenus impraticables.
Nous faisons appel à tous ceux qui sont en responsabilité de voter dans le sens d’un projet prenant en compte les différents usages présents sans oblitérer l’avenir.
M. MASSOT Didier, Secrétaire SNGPCKDA
Septembre 2021
Il est prévu seulement un chemin de contournement. Le SNGPCKDA a contribué pour réussir à obtenir la construction d’une passe à canoë. En effet, certaines embarcations sont beaucoup trop lourdes et encombrantes pour être transportées par tous types de publics. Si la passe n’est pas dans le projet c’est parce que la zone n’est que peu fréquentée. Mais limiter l’accès à 55km de cours d’eau où le niveau technique est débutant donc une bonne ouverture pour une pratique douce, sous prétexte que cela n’intéresse que peu de personnes c’est ne laisser aucune chance aux sports de pagaie de se développer sur l’Arve !
Michel WEBER, un adhérent nous remonte cette information ! Si vous vous sentez concerné ou si vous souhaitez apporter votre soutien, renseignez l’enquête !
Enquête publique - Construction d’une centrale hydroélectrique à Thyez
Le projet consiste au captage des eaux du cours d’eau de l’Arve, au niveau du seuil de Pressy déjà existant, à hauteur des communes de Thyez et de Scionzier.
Il s’agit de développer la production hydroélectrique sur le site afin d’apporter une part énergétique renouvelable supplémentaire à la consommation électrique locale, de concourir au respect des engagements de l’Etat en termes de développement des énergies d’origine renouvelable et à l’atteinte des objectifs du programme Territoire à énergie positive pour la croissance verte de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Avec une puissance électrique de 1 600 kW attendue, la microcentrale permettra d’assurer la consommation électrique d’environ 6 820 habitants couvrant ainsi 43 % des besoins des communes de Thyez et Scionzier réunies.
DOCUMENTS
RÉPONDRE A L’ENQUÊTE
Salut,
Nous avons jusqu’à la fin du mois de septembre pour faire entendre nos voix dans le cadre de l’enquête publique concernant la construction de la micro-centrale de Scionzier .
Je viens de lire tout le dossier. Il y a des milliers de pages concernant les poissons, la faune et la flore. Il y a seulement un tiers de pages concernant la navigation. Nous obtiendrons le droit de passer… mais à pied.
Il faut nous réveiller et exiger de SHEMA, filiale de l’EDF, la construction d’une passe pour rafts et canoë-kayak.
Merci de répondre à l’enquête pour exiger la construction bétonnée d’une passe pour rafts et canoë-kayak , largeur 3,50m, profondeur 30 cm, pente 20°, fond plat, départ au même niveau que la couronne du barrage pour ne pas nuire au fonctionnement de la centrale en période d’étiage.Merci et amitiés
Miki
Michel Weber »